Et non, il n’y a pas que des interprètes salariés pour le Parlement européen ou l’ONU ! La grande majorité des interprètes dans le monde travaille en tant que freelance. Comme les traducteurs, Ils sont passeurs de sens entre deux cultures, sont agiles d’esprit et jouent avec les mots à l’oral, en direct ou en consécutif.
Acolad Community est parti à la rencontre d’interprètes freelances pour illustrer les aspects les plus importants de la vie d’interprète freelance, ainsi que pour tordre le cou à des idées reçues sur l’interprétariat. Pour cette première interview, faisons connaissance avec Margriet, ancienne interprète du français vers le néerlandais. Elle a notamment travaillé avec des organismes gouvernementaux, tels que la Nationale Politie (Police nationale néerlandaise) et la Belastingdienst (douane néerlandaise).
Depuis combien de temps êtes-vous interprète ? Avez-vous une ou plusieurs spécialités ? Quelles sont vos langues de travail ?
Je suis Margriet, j’ai été interprète de 1991 à 2009. Je suis également traductrice assermentée au Tribunal de la Haye et pour les tribunaux des Pays-Bas. Je me suis spécialisée dans le médical et le juridique et j’ai des connaissances en économie et comptabilité. Mes langues de travail sont le français et le néerlandais, ma langue maternelle.
Quelles sont les différentes formations possibles pour devenir interprète ?
En 1991 j’ai suivi la formation menant au diplôme d’état d’interprète et traducteur. A Maastricht, il existe une seule formation continue pour interprète et traducteur. Les études universitaires peuvent, selon la spécialisation, mener vers la traduction et/ou l’interprétariat. La formation ITV est à temps partiel et prépare à un diplôme de traducteur ou d’interprète, en consécutif ou de conférence.
Quelles sont les idées reçues les plus tenaces sur le métier d’interprète ? Comment faites-vous pour les « casser » ?
Aux Pays-Bas, le métier d’interprète est assez prestigieux, on peut donc parfois penser que l’interprète maîtrise l’autre langue du bout des doigts. Sur des sujets spécialisés, comme par exemple les grues , il faut expliquer que les termes techniques ne font pas forcément partie du vocabulaire de l’interprète au début.
Avez-vous déjà travaillé auparavant pour d’autres organismes que la Nationale Politie (Police nationale néerlandaise) et la Belastingdienst (douane néerlandaise) ? Etait-ce toujours en rapport avec le secteur gouvernemental ?
J’ai commencé à travailler pour le tribunal international de la Haye, puis avec d’autres tribunaux pour lesquels je travaille toujours. Grâce à ces contacts, j’officie pour différents services de la police nationale, ainsi que la Maréchaussée royale. Pendant 17 ans j’ai interprété pour le Service d’Immigration et de Naturalisation (cf OFPRA) qui s’occupe entre autres des demandes d’asile. Le plus gros de mon travail a toujours été dans le secteur gouvernemental et pour le FIOD (Service néerlandais de renseignements et de recherches fiscales). Mis à part le secteur gouvernemental, j’ai aussi travaillé pour le port de Rotterdam, l’industrie pharmaceutique et pour différents médecins.
Quels sont les éléments que vous appréciez le plus dans votre travail ?
Ce que j’aime en tant qu’interprète c’est le contact avec l’autre personne venant d’une autre culture et ne parlant pas néerlandais. Par exemple, la culture française est bien différente de la culture néerlandaise. Grâce à ces contacts, j’ai appris beaucoup sur les cultures des différents pays francophones africains.
Si l’interprétariat est le plus beau métier du monde pour moi, c’est parce qu’on peut aider des personnes qui ne se comprennent pas à communiquer et qu’on réussit à faire la différence lors des échanges grâce à nous. J’ai notamment aidé une femme néerlandaise qui avait subi des examens médicaux en France. Etant très malade, une intervention chirurgicale s’imposait. J’ai traduit les documents en toute vitesse et elle a pu être soignée en moins de trois jours.
Quels seraient pour vous les avantages et les inconvénients d’être interprète ?
L’avantage de ce métier est qu’on élabore soi-même son propre planning. Si une mission ne semble pas correspondre aux centres d’intérêt de l’interprète, on a toujours le droit de la refuser.
L’inconvénient est, quand on interprète par téléphone, c’est compliqué car on ne voit pas l’interlocuteur qui parle le français (ou qui fait de son mieux pour parler le français), ni la personne parlant le néerlandais (juge, policier, etc.). Ce que je déteste surtout, c’est le fait d’être parfois considérée comme une machine à traduire, et non pas comme une personne qui travaille et met ses connaissances à la disposition d’une autre personne. Ça peut arriver, mais pas toujours heureusement 😉.
Comment par exemple trouver des contacts (collègues, clients) et étendre son réseau ?
Cela dépend tout à fait de ce qu’on veut. C’est un travail assez solitaire et isolé quand on est un freelance travaillant à son compte. Je suis devenue membre d’un réseau de traducteurs et d’interprètes, qui s’entraident et échangent des conseils sur des problèmes qui peuvent arriver dans l’interprétariat. Je rencontre régulièrement des collègues travaillant en français, mais aussi dans d’autres langues.
Quand j’ai obtenu l’assermentation, les interprètes étant assermenté par tâche, j’ai vite été pourvue en travail. Le Ministère de la Justice avait besoin d’interprètes en français pour les demandeurs d’asile. Le Tribunal de la Haye m’a régulièrement demandé de venir interpréter ainsi que de faire des traductions. Grâce à ce tribunal, la police ayant besoin d’interprètes a sollicité mes services, et en quelques années j’ai eu de plus en plus de contacts de sorte que je travaillais à temps plein ou même plus.
Quels seraient vos conseils pour les jeunes interprètes, qu’ils soient freelances ou non ?
Etant donné qu’il prête serment devant le Tribunal, l’interprète assermenté doit absolument avoir une excellente connaissance du domaine juridique, dans ses langues de travail et sa langue maternelle. Il doit également savoir bien se servir des bons registres de style. Malheureusement, ces connaissances ne sont pas suffisamment approfondies parfois.
Je conseille donc à chaque interprète et à chaque traducteur nouvellement assermenté de faire des stages à la greffe du Tribunal et/ou à la police et de lire énormément de PVs, jugements, réquisitions, différentes voies de recours… pour bien connaître les termes spécifiques au domaine juridique.